Les enjeux éthiques de CRISPR-CAS 9

OGM, trois lettres qui inquiètent. On prend un gène étranger et on l’insère en espérant qu’il se positionnera au bon endroit. Mais où le gène vient-il s’inscrire ? On ne le sait pas très bien. C’est tout le contraire avec la méthode CRISPR-CAS9. Cette méthode, l’an dernier Pierre Jouhannet est venu sur cette même scène nous la faire découvrir. Il nous alertait sur la création en Chine du premier bébé génétiquement modifié de l’histoire de l’humanité. Hervé Chneiweiss, médecin, chercheur en neurosciences, et président du comité d’éthique de l’Inserm vient à son tour nous alerter sur les rêves et les mirages que cette technique peut engendrer. Le Crispr-cas9 est comparable à des ciseaux magiques. Magiques, parce que leur précision est inégalable et qu’ils permettent des interventions jusqu’ici inenvisageable. Mais la magie, on le sait, doit toujours s’accompagner de sagesse car elle peut sinon devenir maléfique. Crispr-cas9 est un ciseau moléculaire, capable de couper l’ADN. « Thomas Bourgeron nous expliquait que dans ce long ruban, si une seule lettre est modifiée, tout est décalé et on ne peut plus rien dire ». Si un ciseau moléculaire permettait de réintroduire cette lettre ne pourrait-on pas espérer guérir la maladie ?
L’outil a de quoi nous faire rêver. Imaginons un monde sans paludisme. 430 000 vies sauvées tous les ans. Ce monde sans paludisme pourrait exister si on venait à bout du seul vecteur de la maladie le moustique. Crispr-Cas9 pourrait intégrer un gène d’infertilité chez certaines espèces de moustiques. Magnifique. Mais imaginons maintenant que ce gène se transmette aux abeilles et qu’elles disparaissent à leur tour. Qui polliniserait désormais ?
Les meilleurs intentions peuvent provoquer des conséquences dramatiques. Les exemples sont légion. Plus encore quand l’intention de départ n’est pas pure. Est-il raisonnable de créer de mini cochons ou au contraire des races à viande fabriquant tellement de muscle, qu’elles ressemblent à d’effroyables bodybuilders. Hervé Chneiweiss ajoute l’image à la parole pour nous montrer ces animaux difformes que la science peut créer.
Et puis… avant d’appliquer ces techniques à l’homme le chercheur souligne l’immensité de notre ignorance : « On sait très peu de choses sur le génome et encore moins sur la dynamique d’un génome. Si on touche à un gène sur un chromosome, on en change l’architecture. Or un gène sur un chromosome peut interagir sur gène situé sur un autre ».
Crispr-cas9 est une découverte époustouflante mais cette évolution questionne notre éthique, elle remet au cœur de la discussion notre capacité d’autonomie, la nécessaire bienfaisance qui doit guider nos recherches et la nécessaire quête d’un « bien commun » qui doit gouverner la curiosité scientifique. Cette découverte pose aussi la question de la justice et de l’accès au soin. Est-il légitime d’accepter le dépôt de brevets sur ces techniques ?
Sur cette question et en laissant défiler sur l’écran les réflexions de quelques penseurs, Hervé Chneiweiss quitte la scène.
Isaac Asimov : La connaissance ouvre des questionnements auxquels l’ignorance ne pourra jamais répondre.
Paul Ricœur : A l’affirmation par soi de la liberté, s’ajoute la volonté que la liberté de l’autre soit »

Catégorie

Société

INTERVENANTS

Hervé CHNEIWEISS 

THÉMES

Génétique

ANNÉE

2018