Les données de santé, 2018, à la croisée des chemins

Mais à propos de trésor, connaissez-vous celui de l’Assurance maladie (CNAM). Oui la « Sécu » ce n’est pas seulement un « déficit », un « trou » à combler, c’est aussi une richesse fabuleuse. Nous sommes assis sur une mine d’or. Cette mine d’or ce sont toutes les données de santé que récolte et thésaurise l’Etat. « Si je me casse la figure dans mon escalier, que mon diabète se déséquilibre ou que l’on me pose une prothèse de hanche, dès le lendemain, l’assurance maladie le sait, grâce à la télétransmission des données  » explique Didier Sicard, membre du comité scientifique de S3Odéon, professeur de médecine et ancien président du Comité consultatif nationale d’éthique (CCNE). Cette collecte de données, 65 millions de Français y contribuent grâce à leur carte vitale. Un système unique au monde. Paradoxe : nous n’utilisons pas ces informations. Mieux encore : nous achetons des données de santé aux Ecossais, aux Américains, aux Espagnols…
Pourquoi ? L’Etat et la CNAM sont propriétaires de ce trésor. L’utilisent -ils ? Que nenni. « Quand on lance un plan autisme, un plan cancer, un plan Alzheimer, il n’est quasi jamais fait référence aux données de santé qui sont là, à notre disposition ! » relève Didier Sicard qui s’étonne de ce curieux « renoncement au réel ». « On fait des plans de santé publique au doigt mouillé »… Pourtant, pour savoir si entre deux traitements de l’hypertension artérielle l’un est plus efficace que l’autre, ne serait-il pas opportun de le confronter aux données de santé de l’assurance maladie ?
Autre surprise, pour le Pr Sicard, l’attitude quasi schizophrénique des Français. Inquiets dès que la CNAM collecte des informations anonymes et cryptées, ils sont en revanche d’une générosité naïve vis-à-vis des réseaux sociaux qui les attirent par des messages de prévention et de bien-être, que le Pr Sicard qualifie de « pacte narcissique à la Faust ». Autrement dit : « donnez-moi votre nombre de pas, donnez-moi votre glycémie et je vous dirai comment bien vous comporter ».
Nous aurions tout à gagner à ce que ces données de santé soient utilisées pour le bien commun. Car ce big data, regorge d’informations fabuleuses autant qu’inattendues. Qui pourrait ainsi se douter que… certains traitements contre l’asthme semblent protecteurs de la maladie de Parkinson. « Ce que le chercheur seul ne peut pas faire dans son laboratoire… le big data le pourrait. »
Et si cette ignorance choisie était aussi la cause de toutes les crises sanitaires dont la France a le secret, depuis l’amiante et le distilbène, jusqu’au médiator, à la dépakine en passant par le sang contaminé et l’hormone de croissance ? « Creutzfeld Jacob ? On a eu un mort, on en avait annoncé 500 000″. Manifestement les Pythies se sont trompées ! De même pour la vaccination : si on avait la possibilité d’analyser correctement nos données de santé ne pourrait-on pas rassurer la population ?
Un jour les GAFA (1) vont arriver et nous proposer un scenario algorithmique merveilleux. Et on arrivera trop tard alors qu’on disposait de la plus belle et la plus riche des banques de données…
 » La Santé publique est une donnée commune. Faisons en sorte que les GAFA ne nous prennent pas notre bien commun. »

Catégorie

Société

INTERVENANTS

Didier SICARD

THÉMES

Données de Santé

ANNÉE

2017