Le désert médical est une expression galvaudée depuis plus de 10 ans, date à partir de laquelle le simple examen des courbes démographiques a fait prendre conscience du risque présenté par la diminution effective du manque de médecins. Cette notion de désertification médicale mérite d’être précisée.
On peut distinguer :
Les « déserts sanitaires » où il n’y a plus aucun médecin, mais également plus aucun professionnel de santé (pharmacien, infirmières, kinés, ambulanciers, dentistes…). Dans ces déserts, l’hôpital est le plus souvent le seul recours, et en raison du phénomène de concentration hospitalier, il peut être très éloigné.
Les « déserts territoriaux « , où il n’y a que très peu de population et pas de médecins. Dans ces déserts, cette grande écharpe qui va globalement du Sud-Ouest au Nord-Est, vivent malgré tout de façon éparse une population le plus souvent vieillissante, dans des villages ou de petites villes qui peu à peu se meurent. Il reste toutefois, des professionnels de santé par endroit : pharmaciens, infirmières, parfois kinés, parfois même dentistes.
Les « déserts médicaux « , où dans un bassin de population plus ou moins étendu, il n’y a plus aucun médecin, ce qui oblige les patients à des déplacements de parfois une dizaine de kilomètres ou plus. Ces déserts médicaux se recoupent dans certains cas avec les déserts sanitaires, mais ce sont des zones où existent encore çà et là des professionnels de santé non médecin.
Les « pré-déserts médicaux «, ces zones où il ne reste plus qu’un ou deux médecins prêts à prendre leur retraite.
Les « déserts médicaux sectoriels « . Il y a bien des médecins, mais on manque de certaines spécialités (ophtalmo, gynéco, psychiatres, pédiatres, etc.)
Les « déserts médicaux temporels » : durant les heures et jours ouvrables il y a bien des médecins, mais la nuit et le week-end, il ne reste que l’hôpital car la Permanence des Soins n’est pas assurée, le plus souvent par manque de médecins disponibles pour faire les gardes en plus de leur travail durant la journée.
Il y a donc désert …et désert. Les méthodes coercitives (obliger les médecins à s’installer où il en manque), incitatives (prendre en charge tout ou partie des frais de fonctionnement du médecin), ou de détournement (dévoyer des médecins étrangers pour les faire travailler dans les déserts) ne sont visiblement pas une solution qui marche. Les maisons de santé sont une bonne solution pour les déserts médicaux et surtout sectoriels, ce qui n’est déjà pas mal. Mais pour les autres, déserts sanitaires et territoriaux, pas de solution.
Comment se répartissent les professionnels de santé non médecins dans ces différents déserts :
Dans les déserts sanitaires, on pourrait penser qu’il n’y a pas de solution, car pas d’effecteurs qui se rendent au domicile des patients, en particulier les personnes âgées ou médicalement dépendantes. Il reste toutefois deux catégories professionnelles qui maillent le territoire, parfois dans des endroits très reculés : les infirmières -qui font souvent des dizaines de kilomètres pour venir en aide à des patients- et les postiers. Évidemment, ce ne sont pas des médecins, mais ils répondent présent.
Que ce soit dans les déserts territoriaux ou les déserts médicaux, il y a des professionnels de santé, non médecin bien entendu, mais qui eux aussi peuvent répondre présent.
Et dans les déserts médicaux temporels où la Permanence des Soins n’est plus assurée par les médecins, il reste encore beaucoup de professionnels de santé non médecins.
On voit que quel que soit le désert -sauf les déserts sectoriels- il y a des professionnels de santé actifs et disponibles. Que leur manque t-il pour être une réponse à la désertification médicale ? De n’être pas médecins.
Penser différemment – Imaginez un instant le système suivant :
Dans un bassin de population désertifié au sens défini précédemment, on a créé un réseau de professionnels de santé non médecins : pharmacien, infirmière, kinés, ambulanciers, dentistes…), voire des postiers pour des actes de prévention. Et on informe la population que sous l’autorité du 15, un numéro d’appel leur permettra, soit d’avoir à leur chevet un professionnel de santé non médecin qui se déplace, soit qui peut les recevoir dans le cabinet ou l’officine où ils exercent.
Ce professionnel de santé muni d’un logiciel d’interrogatoire qui n’est certes pas médecin, mais qui raisonne comme tel, devient en mesure de déterminer la gravité de la situation d’un patient, de poser des hypothèses diagnostiques, et de produire un compte rendu envoyé au centre 15 correspondant. Le médecin régulateur du 15, ou un médecin dédié au conseil à distance, complète très rapidement cet interrogatoire, pose des questions complémentaires au patient, exactement comme on le fait en régulation médicale depuis 40 ans . Il peut alors prendre sa décision : de simples conseils, une ordonnance qui sera envoyée au pharmacien du réseau, voire une hospitalisation avec envoi d’une ambulance du réseau. C’est de la télémédecine.
Évidemment il y a un hic, car pour que cela fonctionne, il faut impérativement :
– une loi qui autorise un non médecin à interroger un patient,
– une rémunération du professionnel de santé volontaire et du médecin qui réalise l’acte de télémédecine
– Un accord au sein du territoire des professionnels de santé entre eux
– Un accompagnement positif de l’Ordre des Médecins
– Et une application en mesure de penser comme un médecin.
Et voyons plus loin…
A terme, une fois ces réseaux créés, il sera facile de transmettre cette connaissance accumulée par les professionnels de santé médecins ou non médecins, à des personnes formées à un nouveau métier : les assistants sanitaires.
Inventer ce nouveau métier, créer des emplois, en mailler le territoire, devient alors possible, exactement comme on a créé après-guerre le métier d’assistante sociale qui a accompagné efficacement la protection sociale. Faire la même chose avec la protection sanitaire, va donc bien en prolongement de la simple problématique ponctuelle des déserts médicaux.
Que manque-t-il ? Rien. Simplement ce qui depuis des décennies bloque notre pays, la France, l’un des plus créatifs au monde : la résistance au changement.
Source : http://www.zeblogsante.com/pour-en-finir-avec-les-deserts-medicaux/